Des égalités remarquables

Drapeau rouge : Cet article demande quelques connaissances mathématiques intermédiaires ainsi qu’une bonne capacité d’abstraction


Voici un petit lot d’égalités : essayez donc de percevoir le schéma qui semble se cacher derrière.

Si vous ne me faites pas confiance, vous pouvez toujours vérifier ces calculs sur ce site qui vous permettra de manipuler de si grands nombres (car il se pourrait que votre pauvre petite calculatrice ne tienne pas le coup…).

Alors hasard ou généralité ? Peut-on ainsi ajouter à sa guise des 6, des 0 et des 3 et conserver cette égalité, ou viendra-t-il un moment où cette égalité ne tiendra plus ?

Attention, la démonstration qui suit contient quelques traces de bourrinisme calculatoire. Aussi, si manipuler des nombres et des lettres vous effraie, arrêtez-vous ici et dites-vous que vous avez découvert des égalités absolument surprenantes ! Sinon, continuez donc, vous ne serez pas déçus du voyage.

L’astuce est de remarque que les nombres en jeu ressemblent farouchement au début du développement décimal de fractions bien connues.

Pour prouver nos égalités, nous allons donc remarquer que, pour tout entier positif n, on a les relations suivantes. D’abord

Ou il y a exactement n fois le nombre 6. L’astuce est en effet de multiplier la fraction 1/6 et d’en retirer sa mantisse, c’est-à-dire sa partie « après la virgule ». En procédant de même avec les deux autres nombres en jeu, nous avons donc :

avec exactement n zéros, et pour finir

avec cette fois n+1 fois le chiffre 3. Il est désormais temps de cuber tout cela et d’ajouter gaiement. C’est le moment de se retrousser les manches.

Nous allons commencer par factoriser le second membre pour ne pas avoir à se traîner trop de fractions.

Si on développe toute cette parenthèse (développement laissé en exercice), on obtient alors

Courage, c’est bientôt fini. Regardons maintenant le nombre 16…6650…0033…33. Celui-ci se décompose en

où l’entier n désigne toujours le nombre de 6 et de 0, et n+1 le nombre de 3. Reprenons alors les relations que nous avions remarqué un peu plus tôt.

Et magie ! Nous retrouvons exactement la même expression… Ouf, tout est bien qui finit bien !

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Ne pas faire phi des fourmis

Vous savez à quoi ressemble une fourmi, n’est-ce pas ? Mais savez-vous comment elles se reproduisent ?

Au sein d’une colonie de fourmis, c’est la reine qui se charge de la ponte des œufs. Celle-ci peut alors décider, selon les besoins de la fourmilière, de les féconder en utilisant un spermatozoïde gentiment stocké dans sa spermathèque, ou de le laisser tel quel. Dans le premier cas, l’œuf donnera naissance à une fourmi femelle. Dans le second cas, ce sera un mâle. Oui, la reine des fourmis a la possibilité de décider du sexe de ses descendants, mais n’entrons pas dans ce débat voulez-vous ?

Posons-nous plutôt la question : mais pourquoi diable nous parle-t-on de fourmis dans un blog qui se veut de « vulgarisation mathématique » ? Nous allons en fait nous intéresser aux arbres généalogiques de ces insectes.

Plutôt que d’analyser la descendance, regardons alors l’ascendance.

  • Toute fourmi mâle n’a qu’un seul parent, qui est la reine, une femelle
  • Toute fourmi femelle possède, elle, deux parents : un mâle et une femelle.

Dressons donc l’arbre généalogique d’un individu mâle, par exemple. Il devrait ressembler à ceci :

Le but de notre exerc… article du jour est de compter le nombre d’ascendants de cette fourmi mâle. Nous noterons ainsi an le nombre d’ascendants à la génération n. Par exemple a0 vaut 1, a1 = 1, a2 = 2, a3 = 3, a4 = 5, et ainsi de suite.

1, 1, 2, 3, 5… Cela vous dit peut-être quelque chose…

De la même manière, nous allons noter mn le nombre de mâles et fn le nombre de femelles à la génération n. Il est simple de voir que, pour n’importe quelle génération n, an = mn + fn. Le nombre d’ascendants est égal au nombre d »ascendants mâles ajouté au nombre d’ascendants femelles.

Nous allons maintenant traduire les données de notre « énoncé ».

  • Toute fourmi mâle n’a qu’un seul parent, qui est la reine, une femelle
  • Toute fourmi femelle possède, elle, deux parents : un mâle et une femelle.

Plaçons-nous à une génération n quelconque. Le nombre de mâles à la génération suivante, la génération n+1, est égal au nombre de femelle de la génération n : en effet, seules les femelles ont un mâle comme ascendant direct.

En revanche, le nombre de femelles de la génération suivante est égal eu nombre de mâle et de femelles de la génération n : chaque fourmi a en effet un ascendant femelle, quel que soit son sexe. Nous avons donc établi deux relations :

  • mn+1=fn
  • fn+1=mn+fn

Passons à la génération suivante, la génération n+2. Le raisonnement est strictement identique au précédent

  • mn+2=fn+1=mn+fn=an
  • fn+2=mn+1+fn+1=an+1

Et dans tout cela, on peut récupérer le nombre total d’ascendants à la génération n+2, il suffit d’ajouter les mâles et les femelles :

  • an+2=mn+2+fn+2=an+an+1

Nous avons donc établi la relation suivante :

  • an+2=an+an+1

En d’autres termes, pour avoir le nombre d’ascendants à une certaine génération, il faut additionner le nombre d’ascendants des deux générations précédentes. Par exemple, à la génération 4, il y a 5 ascendants, ce qui est bien la somme du nombre d’ascendants de la génération 3 (3) et de la génération (2). Vous pouvez compléter cet arbre et vous verrez qu’à la génération suivante, il y aura 5 + 3 = 8 ascendants.

D’ailleurs, le nombre de mâles et le nombre de femelles à chaque génération obéit également à cette relation. Essayez donc !

Cette suite, c’est la très connue suite de Fibonacci, que l’on doit au mathématicien éponyme. Cela dit, lui n’étudiait pas vraiment l’ascendance d’une fourmi mais plutôt de la descendance d’un couple de lapins… Chacun son truc.

Toujours est-il que cette suite a diverses propriétés, que vous pourrez observer dans  quelques-unes des vidéos que j’ai pu publier.

L’une d’elle est que si je divise un terme de la suite par le précédent, le résultat se rapproche d’une quantité que l’on nomme le nombre d’or, aussi appelé Phi… Oui, il fallait au moins que j’explique le titre !

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Auchan et les équations

Vous avez surement vu fleurir des tas d’énigmes de ce genre, mettant en jeu des emojis que l’on fait s’additionner, multiplier, diviser entre eux et où le but est de retrouver la valeur représentée par chacun de ces symboles. Bref, une équation où les obscurs x et y sont remplacés par des visages souriants, des parasols ou des bouquets de fleur.

Eh bien c’est précisément un de ces jeux qui est au cœur d’une affaire mathématique, que nous allons nous empresser d’élucider dans ces lignes. L’article qui parle de celle-ci m’a été relayé sur Twitter par @Sandrin80469527 que je remercie.

En Août 2018, la page Facebook d’Auchan Blois lance un concours avec tout de même un ordinateur à la clé. Le principe est simple : résoudre l’énigme que voici :

Cherchez donc de votre côté avant de poursuivre ces lignes !

Vous avez trouvé ? Fort bien !

Peut-être avez-vous fait le raisonnement suivant:

  • 3 ordinateurs valent 15, c’est donc qu’un ordinateur vaut 5
  • Puisqu’un ordinateur + 2 imprimantes valent 11, c’est qu’une imprimante vaut 3
  • Enfin, une imprimante + 4 souris valent 7, ce qui implique qu’une souris vaut 1
  • Finalement 5 + 3 + 1 =9, c’est donc la réponse.

Cette réponse de 9, un étudiant toulousain ne l’entendait pas de cette oreille. Celui-ci a donc porté plainte contre l’enseigne, estimant qu’elle ne respecte pas ses engagements commerciaux.

La raison se trouve sur la troisième ligne : nous n’avons pas réellement une imprimante + 4 souris. Pour être rigoureux, il aurait ainsi fallu mettre des signes + entre chaque paquet de deux souris. Eh oui, on ne rigole pas avec l’écriture en mathématiques : l’absence d’un signe correspond à une multiplication, pas à une addition.

Notre étudiant trouve donc bien la valeur de 5 pour l’ordinateur et la valeur de 3 pour l’imprimante. Seulement, son raisonnement est différent pour la ligne 3, qu’il interprète ainsi (on appellera I l’imprimante et S la souris, ça fait gagner de la place…)

  • I + S x S + S x S = 7
  • Réécrivons cela I + S² +S² = 7. Le carré d’un nombre est la multiplication de ce nombre par lui-même.
  • Encore mieux : I + 2S² = 7
  • Or, puisque I vaut 3, cela signifie que 3 + 2S² =7
  • Nous avons donc 2S² = 4
  • C’est-à-dire S² = 2
  • Et S=√2, soit environ 1.414

La réponse de notre étudiant est donc de 8+√2, environ 9.414.

Et c’est ainsi qu’une maladresse d’écriture conduit à l’affaire à suspense de l’été. Alors, chers organisateurs : à l’avenir, écrivez-mieux vos équations, ne maltraitez pas les signes.

Quant à savoir si ce jeune homme aura gain de cause, on pourra toujours lui rétorquer qu’il existe deux nombres dont le carré vaut 2, et que s’il n’en a adressé qu’un seul, il n’aura eu que la moitié de la réponse !

Update : il s’avère que cet étudiant a obtenu gain de cause au tribunal ! Comme quoi, les mathématiques, ça paie !

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La formule de Girard

Vous avez manqué la dernière vidéo qui parle de géométrie sphérique ? Il n’est jamais trop tard pour aller la regarder !

Dans cette vidéo, je mentionne une propriété très importante en géométrie sphérique : la somme des angles d’un triangle y est toujours supérieure à 180 degrés (ou plutôt π radians, puisque nous utiliserons plutôt cette unité d’angle pour la suite).

De combien ? Potentiellement beaucoup, il n’y a pas de valeur fixe. Cette somme peut valoir entre π, pour un triangle d’aire nulle à 3π, pour une hémisphère… ce qui nous prive d’un beau résultat.

Mais de belles formules, il n’en manque pas, cependant !

Angles et triangle

Prenez trois points A, B et C sur une sphère. Pour former un triangle, il faut joindre les points A et B en traçant l’arc de cercle ayant pour centre le centre de la sphère et joignant A à B. On prendra évidemment l’arc le plus court, histoire de minimiser le trajet.

En faisant de même avec B et C, puis avec A et C, on délimite ainsi une zone qui est ce que l’on nomme tout simplement un triangle sphérique.

Nous appellerons alors α l’angle situé au sommet A, β celui situé sur le sommet B et γ celui situé sur le sommet C, ces angles étant exprimés en radians.

Contrairement au plan, où peu importe les angles donnés (pourvu que leur somme fasse 180°), on pourra tracer des triangles aussi grands que l’on veut, ces triangles sont restreints à la sphère lorsqu’il s’agit de géométrie sphérique.

Nous allons appeler R le rayon de notre sphère. La surface de cette sphère vaut alors 4πR2.

Regardons pour commencer l’angle α . Celui-ci délimite une zone, un fuseau sur notre sphère, et l’aire de cette surface est proportionnelle à cet angle α. Elle vaut α / (2π) x 4πR2, soit 2α R2. Nous allons également considérer le fuseau symétrique. L’aire totale occupée par ces deux fuseaux sera donc de Aα=4α R2.

L’angle alpha permet de délimiter deux fuseaux sur la sphère. L’aire hachurée vaut Aα=4α R2.

De la même manière, l’aire des deux fuseaux délimitées par l’angle β valent Aβ = 4β R2 et les deux fuseaux délimités par γ valent Aγ = 4γ R2

Regardons alors notre sphère, lorsque ces trois fuseaux sont présents.

Deux régions, correspondant au triangle et à son symétrique par rapport au centre de la sphère, sont traversées par les trois fuseaux en même temps.

On voit que les fuseaux recouvrent entièrement la sphère, mais que deux régions sont traversées par ces trois fuseaux : il s’agit du triangle et de son symétrique par rapport au centre de la sphère.

Par conséquent, si j’ajoute l’aire de la région issue de α, celle issue de β et celle issue de γ , on obtient la surface de la sphère… plus un supplément. En effet, on a compté l’aire du triangle 6 fois (3 pour le triangle lui-même et 3 pour son symétrique), il faut donc retirer 4 fois l’aire du triangle pour retomber sur le bon compte.

En résumé :

Aα+Aβ+Aγ – 4 Aire triangle = Aire totale

En remplaçant par les valeurs trouvées plus haut, on a alors

4 α R2 + 4 β R2 + 4 γ R2 – 4 Aire triangle = 4πR2

En arrangeant tout cela, on obtient finalement la formule de Girard :

Aire triangle = (α + β + γ – π) x R2

Une formule d’une étonnante simplicité qui relie l’aire d’un triangle t la valeur de ses angles. C’est beau !

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[JEU] Timeline mathématique

Rome ne s’est pas faite en un jour… Cela dit, les mathématiques non plus ! Partez à la découverte des événements d’hier qui font les mathématiques d’aujourd’hui.

Accédez au Drive Timeline mathématiques

Le Timeline version mathématiques que je vous propose est une version personnelle du jeu Timeline : le but du jeu est de reconstituer une frise chronologique des mathématiques, mais vous ne serez pas seul ! Vous devrez vous débarrasser des cartes en votre possession avant vos adversaires.

Saurez-vous dater ces événements de l’histoire des mathématiques ?

Déroulement

Le jeu se compose de plusieurs cartes. Au recto figurent un événement et une illustration, et au verso sont ajoutées les dates et des précisions éventuelles à ce sujet.

  • Chaque joueur reçoit un certain nombre de cartes devant lui, face « date » cachée.
  • Une carte est ensuite placée au centre de la table, date découverte : elle constituera le premier repère de la frise.
  • Les autres cartes seront placées en une pile sur la table

Le premier joueur va alors choisir une de ses cartes et la placer avant ou après la carte déjà présente sur la table. S’il pense que son événement est postérieur à celui placé, il placera sa carte après la carte retournée. Sinon, il la placera avant.

On retourne alors la carte et découvre la date

  • Si la carte est bien placée, elle reste sur la frise
  • Sinon, elle est retirée et le joueur prend une nouvelle carte dans la pile.

C’est au joueur suivant de jouer. Suivant les résultats du premier joueur, il aura davantage de possibilités. Si, par exemple, deux cartes sont présentes dans la frise, il aura la possibilité de placer la carte de son choix avant la première carte, après la deuxième carte ou entre les deux, selon la date qu’il pense être juste.

Le premier joueur à s’être débarrassé de ses cartes remporte la partie.

Contenu

Sur le drive, vous trouverez les cartes, avec recto et verso (162 cartes à ce jour), ainsi que les règles officielles du Timeline, que chacun adaptera selon sa convenance.

Sous peu, vous aurez également une fiche indicative pour les événements qui sont mentionnés ici. N’hésitez pas à me remonter toute erreur si vous en décelez une.

Bonne aventure temporelle et mathématique !

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Trois demis font quinze dixièmes

Il y a de cela deux semaines environ, un tweet faisait son apparition sur la toile. Son sujet : les fractions ! Il était en effet question de la démonstration de l’égalité de deux fractions, et c’est cette démonstration qui a fait parler.

Vous trouvez tout cela trop difficile ? Vous n’avez pas compris cette preuve ? Ou au contraire, vous ne voyez pas le problème que cet extrait peut causer ? Allons donc, explorons ce document.

Des nombres rationnels

D’abord, précisons qu’il s’agit là d’un extrait des Repères annuels de progression de 5e, que vous pourrez trouver dans leur intégralité à cette adresse. C’est donc un document à destination des professeurs mais les indications qui y figurent peuvent à tout moment être présentés à l’élève.

La démonstration s’appuie sur la définition du nombre \frac{a}{b} où a est un nombre entier (positif, pour commencer) et b est un nombre entier différent de 0. \frac{a}{b} est ainsi le nombre qui, multiplié par b, donne a.

Autrement dit, dans cette définition, ce \frac{a}{b} est un nombre à part entière, un nombre dit rationnel : il ne s’agit pas de diviser a par b, mais bien de la notation d’un nombre, tout comme π ou √2 et même 1 sont la notation d’autres nombres. D’ailleurs, que signifie mathématiquement « diviser », si ce n’est trouver un nombre qui, multiplié par un premier, en donne un deuxième ?

Prenons par exemple \frac{3}{2} : il s’agit du nombre qui, multiplié par 2, vaut 3 (plus communément écrit \frac{3}{2} \times 2 = 3. Seulement, lorsque l’on fait 1,5 \times 2, on obtient également 3. c’est tout simplement que \frac{3}{2} et 1,5 sont deux écritures différentes du même nombre.

Et dans cette démonstration, il s’agit justement de montrer qu’un nombre rationnel peut avoir plusieurs écritures.

Par définition, \frac{15}{10} est le nombre qui multiplié par 10, vaut 15. Oui mais voilà, si je prends \frac{3}{2} et que je le multiplie par 10, j’obtiens \frac{3}{2} \times 10. Or, 10 = 2 x 5, on en déduit que \frac{3}{2} \times 10 = \frac{3}{2} \times 2 \times 5$.

En revenant à la définition de \frac{3}{2}, on a alors que \frac{3}{2} \times 2 \times 5 = 3 \times 5 = 15. Autrement dit, \frac{3}{2} est, comme \frac{15}{10}, le nombre qui, multiplié par 10, vaut 15. Ces deux nombres sont donc égaux.

La démonstration peut se généraliser en utilisant le calcul littéral, mais je la laisse en exercice au lecteur. Rassurez-vous, le rapport préconise dans un premier temps de se limiter aux exemples comme celui-ci. Ouf.

Et pour l’élève alors ?

Cette vision vous a peut-être déstabilisé, et j’avoue que je l’ai moi-même regardé de travers dans un premier temps. Pour beaucoup, nous avons vu d’abord la représentation « à la grecque », c’est-à-dire une illustration géométrique des fractions.

L’approche géométrique possède plusieurs avantages, notamment en ce qui concerne les opérations sur les fractions, bien plus évidentes à mon goût avec cette illustration qu’en utilisant uniquement la définition.

Il ne faut pas pour autant jeter une énorme pierre carrée à l’approche plus numérique car elle présente, toujours selon mon avis, plusieurs avantages.

  • D’abord, elle introduit l’idée de démonstration. Et sur ce point, je pense qu’il est important de ne pas découpler les deux approches : du point de vue géométrique par exemple, on peut faire conjecturer aux élèves cette égalité des fractions, mais bien leur faire comprendre qu’un coup d’oeil de mathématiques ne suffit pas toujours. Peut-être que, grâce à cela, nous verrons moins de « le triangle est rectangle car j’ai mesuré un angle droit avec mon équerre » le jour du brevet…
  • Elle permet aux élèves de manipuler les nombres. Combien de secondes ai-je vu buter sur une simple équation « 2x=5 ». Autrement dit, quel est le nombre qui, multiplié par 2, donne 5 ? C’est la définition de 5/2 !
  • Toujours dans cette idée de nombre, on présente les fractions comme tel ! Là encore, même en 2nde, des élèves butent lorsqu’ils voient 1/3 et qu’il ne parviennent pas à s’en sortir. Faites comme les autres nombres, puisque c’en est un !

Ajoutons également que cette approche n’a pas pour but d’éclipser les autres. Les égalités de produit en croix ou les simplifications par un facteur commun ne sont pas jetés aux oubliettes et peuvent faire l’objet d’un développement de la sorte.

Bref, je ne vois pas de quoi s’alarmer : ce raisonnement, s’il est bien présenté, ne me semble pas si compliqué et confronte l’élève à de belles mathématiques. De toute manière, il ne s’agit là que de recommandations, et le professeur qui ne les apprécie guère pourra tout simplement les oublier… Mais ce serait fort dommage.

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Le problème des reines

Dans ma dernière vidéo, j’abordais le lien entre les carrés magiques et le problème des reines. Dans ce dernier, l’énigme consistait à placer n reines sur un échiquier de taille n x n sans qu’aucune reine ne puisse en attaquer une autre.

Des solutions existent pour toute taille d’échiquier strictement supérieure à 3… Il est temps de s’y atteler !

Le problème aux origines

Au départ, il n’y avait qu’un échiquier classique, de taille 8 x 8, et c’est un joueur d’échec allemand, Max Bezzel, qui proposa l’énigme en 1848. En 1850, un certain Carl Friedrich Gauss affirma que ce problème présentait au total 92 solutions (en comptant toutes les possibilités, y compris celles qui ne sont que des rotations d’autres solutions de ce problème).

Mais comme pour tout problème de mathématique, il serait dommage de s’arrêter à un cas particulier. On se demanda alors si le même problème était résoluble pour des tailles d’échiquier différentes.

Notons d’abord que, puisqu’il ne peut y avoir qu’une seule reine par colonne, écrire une solution revient à écrire une liste comportant une seule et unique fois chaque entier de 1 à n. Ces nombres représentent les lignes sur lesquelles placer nos reines. Par exemple, sur l’échiquier 5 x 5 qui suit, la solution présentée peut se résumer par la liste ( 3 ; 5 ; 2 ; 4 ; 1 )

Solution 5 x 5

Une solution pour l’échiquier 5 x 5

Comment alors se rendre compte si la solution donnée est correcte ?

Prenez chaque nombre de cette liste et ajoutez-y le numéro de sa colonne – sa position dans la liste.

Pour le cas précédent, cela donne ( 3 + 1 ; 5 + 2 ; 2 + 3 ; 4 +4 ; 1 + 5 ) soit (4 ; 7 ; 5 ; 8 ; 6). On remarque que tous les nombres obtenus sont différents.

Maintenant, reprenez la liste de départ, et retirez à chaque nombre sa position, sa colonne. Dans l’exemple on a ( 3 – 1 ; 5 – 2 ; 2 – 3 ; 4 – 4 ; 1 – 5 ), soit (2 ; 3 ; -1 ; 0 ; -4). Là encore, tous les nombres sont différents… Eh bien, avec ces deux critères, nous pouvons affirmer que notre liste donne bien une solution au problème des reines.

En effet, récapitulons les conditions au problème de la reine.

  • Il ne peut y avoir qu’une reine par colonne. C’est pour cela que nous pouvons résumer un placement des reines avec des nombres entiers.
  • Il y a une et unique reine par ligne : tous les nombres de 1 à n doivent être présents une et une seule fois dans la liste.
  • Deux reines ne doivent pas partager la même diagonale. C’est ce que l’on vérifie en faisant cette manipulation.

Regardons par exemple ce placement, qui n’est pas une solution du problème des reines.

Placement incorrect

Ce placement s’écrit (1 ; 4 ; 3 ; 5 ; 2). Il respecte les deux premières conditions. Ajoutons donc à chaque nombre sa position dans la liste.

( 1 + 1 ; 4 + 2 ; 3 + 3 ; 5 + 4 ; 2 + 5) fait (2 ; 6 ; 6 ; 9 ; 7). On voit apparaître le nombre 6 en 2ème et 3ème position : c’est parce que les reines des deuxièmes et troisièmes colonnes sont sur la même diagonale ascendante.

Faisons de même avec la soustraction ( 1 – 1 ; 4 – 2 ; 3 – 3 ; 5 – 4 ; 2 – 5), ce qui fait
(0 ; 2 ; 0 ; 1 ; -3). Cette fois, le 0 apparaît en 1ère et 3ème position : c’est parce que les reines des premières et troisièmes colonnes sont sur la même diagonale descendante.

Un test fort pratique donc ! Pour les amateurs de permutation, on cherche donc une permutation P de l’ensemble des entiers de 1 à n telle que P + id et P – id soient injectives. Oui, d’un coup, ça fait plus savant et sérieux que placer des dames sur du carrelage.

D’accord, mais nous on veut les solutions !

Passons donc aux choses sérieuses. Plusieurs cas existent, suivant la taille de votre échiquier.

Cas n°1 : La taille de votre échiquier n’est pas de la forme 6k + 2 ou 6k + 3.

C’est le cas d’un échiquier de taille 5, 6, 7, mais pas de taille 8, puisque 8 = 6 x 1 + 2, ni de 39, puisque 39 = 6 x 6 + 3. Ce cas est très simple puisqu’il suffit de placer les reines en « L ».

Placez une reine sur la deuxième case en partant du bas sur la première colonne. Puis avancez d’une case à droite et deux cases en haut, placez une nouvelle reine. Et ainsi de suite, jusqu’à dépasser du bord supérieur. Placez alors une reine tout en bas dans la colonne suivante et recommencez. Vous avez votre solution !

Solution pour 7

Une solution en escalier pour un échiquier 7 x 7

Cas n°2 : La taille de votre échiquier est de la forme 6k + 2

C’est le cas de 8, 14, 20, et ainsi de suite, de 6 en 6.

Placez les nombres paires d’un côté et les nombres impairs de l’autre. Pour 8, cela donne (2 ; 4 ; 6 ; 8 ; 1 ; 3 ; 5 ; 7).

Inversez le 1 et le 3, puis placez le 5 à la fin : (2 ; 4 ; 6 ; 8 ; 3 ; 1 ; 7 ; 5). Terminé !

Solution 14 x 14

Une solution pour le problème 14 x 14

Cas n°3 La taille de votre échiquier est de la forme 6k + 3

C’est le cas de 9, 15, 21 et ainsi de 6 en 6.4

De la même manière, séparons la liste des entiers selon la parité. Pour 15, cela donnerait donc (2 ; 4 ; 6 ; 8 ; 10 ; 12 ; 14 ; 1 ; 3 ; 5 ; 7 , 9 , 11 ; 13 ; 15)

Il faut ensuite placer le 2 à la fin de la liste des pairs puis le 1 et le 3 à la fin de la liste des impairs, ce qui donne ( 4 ; 6 ; 8 ; 10 ; 12 ; 14 ; 2 ; 5 ; 7 ; 9  ; 11 ; 13 ; 15 ; 1 ; 3)

Solution sur l’échiquier 15×15

Et c’est terminé !

Combien de solutions ?

C’est bien beau tout ça, mais combien de solutions a-t-on ? Ces nombres ont été déterminés pour des échiquiers de taille allant jusqu’à 27 : on compte 234907967154122528 – plus de 200 millions de milliards – solutions au total, ce qui se réduit à 29363495934315694 – plus que 29 millions de milliards.

Les plus curieux pourront consulter les séquences A002562 et A000170 sur l’OEIS.

Pour le reste, nul ne sait vraiment. L’hypothèse a été faite que le nombre total était de l’ordre de n!/c où c est un réel, environ égal à 2,54, mais nul ne le sait vraiment. Alors, si vous vous ennuyez un jour…

Pour aller plus loin

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