Elles vous ont peut-être traumatisé durant votre jeunesse. Peut-être vous hantent-elles toujours d’ailleurs : les fameuses identités remarquables, ces trois terribles égalités – bon, en fait, deux et demi…
Nous allons dans cet article nous intéresser à celle-ci : pour tous réels a et b,
(a+b)² = a² + 2ab + b²
Un point de vue géométrique
Cette identité semblait déjà connue du temps des Babyloniens. Elle figure également dans le livre II des fameux Eléments d’Euclide :
Si la droite est coupée à volonté, le carré de la droite entière est égal aux carrés des segments, et à deux fois le rectangle contenu sous les deux segments
Oui, il s’agit bien de la même chose… Il faut se rappeler qu’en ces temps, on raisonnait essentiellement à l’aide de figures géométriques, y compris pour les calculs.
Ce que nous désignons par a², c’est-à-dire un la multiplication d’un réel a par lui-même, Euclide l’interprète comme l’aire d’un carré dont le côté est de longueur a.

Le carré d’un réel a est l’aire d’un carré ayant ses côtés de longueur a.
Vient alors la question suivante : quelle est l’aire du carré suivant ?

Quelle est l’aire de ce carré ?
Deux choix s’offrent alors à nous :
- C’est un carré dont le côté est de longueur a + b. L’aire de ce carré est donc (a + b)²
- On peut également décomposer ce grand carré en plusieurs morceaux.
En additionnant les morceaux, on trouve alors a² + 2ab + b².
Notre identité remarquable est retrouvée : (a+b)² = a² + 2ab + b² !…
Tout va bien… Au moins pendant quelques siècles…
Il en manque un bout !

Muḥammad ibn Mūsā al-Khwārizmī
Nous sommes désormais 1100 ans après Euclide, à l’époque du mathématicien Al-Khwarizmi, confronté au problème suivant :
Le carré d’un nombre et 10 de ce nombre
valent 39
De notre temps, on traduirait ça par l’équation d’inconnue x suivante :
x² + 10x = 39
Al-Khwarizmi utilisera alors un raisonnement géométrique, comme les Grecs et les babyloniens bien avant lui.
D’abord, pour symboliser ce x², il construira un carré de côté x. A côté de ce carré, il construira deux rectangles dont la largeur vaut 5. De cette manière, il place deux rectangles dont l’aire vaut 5x. Si on additionne ces deux nouvelles aires, on trouve alors 10x.

Il manque un bout pour compléter ce carré !
Il manque donc un petit bout pour former un carré : en l’occurrence, il manque un carré de côté 5 – c’est-à-dire, une aire de 25.
Qu’à cela ne tienne, rajoutons-le ! Mais il faudra le faire aux deux membres de l’équation. Le problème suivant :
Devient alors :
En d’autres termes, on en est à résoudre (x+5)² = 64.
Al-khwarizmi n’étant pas vraiment un fervent admirateur des nombres négatifs, il trouvera la solution x=3. En effet, (3+5)² = 8² = 64.
Naturellement, les élèves de mathématiques ne manqueront pas de se souvenir que (-8)² vaut également 64, donnant une deuxième solution : x = -13.