Drapeau vert : Cet article ne demande aucune connaissance mathématique particulière
Ce soir, j’ai envie de jouer. Autant vous dire que l’article qui suit, s’il peut être drôle, curieux, intrigant, ne sera pas extrêmement poussé. Seulement, ce sujet me fascine, et peut-être provoquera-t-il chez vous aussi cette réaction. Alors si je vous le fais découvrir, j’en serai très heureux. Plongeons tout de suite dans… le chaoooos !
Du chaos émerge l’ordre
Le principe du jeu du chaos est relativement simple. Sur une feuille de papier, placez trois points non alignés, puis choisissez un point au hasard à l’intérieur du triangle ainsi délimité. Une fois cela fait, choisissez un sommet du triangle au hasard, par exemple à l’aide d’un dé.
Notez alors le milieu du segment qui joint le premier point au sommet choisi, puis recommencez le procédé : choisissez un sommet au hasard, notez le milieu, reprenez, et ainsi de suite.
Puisque le travail est long et fastidieux, demandons à notre merveilleux outil informatique de nous assister et de dessiner le résultat plus vite que nous ne pourrions le faire. Nous obtenons quelque chose de similaire à ceci :
Du chaos ambiant, du hasard grâce auquel est générée la figure semble pourtant émerger une certaine organisation. Les amateurs de fractale auront sans doute reconnu le triangle de Sirpienski dans notre cas.
Ce qui est fabuleux, c’est que cette forme émerge peu importe le point de départ que l’on choisit : le motif dessiné est « le même ».
Attention, par « le même », il ne faut pas comprendre qu’il s’agit du même point par point, il faut plutôt raisonner en terme de limite, une fois que l’on a effectué une infinité d’itération : toutes les configurations que l’on obtient se rapprochent d’une seule et même configuration. La figure que l’on obtient, l’ensemble de points qui la définit, est alors appelée un attracteur.
Pour faire simple, la figure est définie de manière répétitive à l’aide de trois manipulations différentes, suivant si l’on a choisi le sommet du haut, de gauche, ou de droite. Ces manipulations, nous les avons appliquées dans un certain ordre, par exemple, en nommant les fonctions par la première lettre de la direction dans laquelle elles vont, H, G, G, H, D, D, H, G, et ainsi de suite.
Cette application successive de nos trois manipulations (ou fonctions) s’appelle un système de fonctions itérées. L’attracteur que nous voyons apparaître est en fait l’ensemble des « points fixes » de ce système : si l’on choisit un point dans cet ensemble et que l’on applique notre système, on reste forcément dans cet ensemble.
Changer les règles
Cela dit, pourquoi s’arrêter à des triangles, lorsque l’on peut aller plus loin ?
Si l’on utilise les mêmes règles dans un carré toutefois, la déception sera grande : on n’obtiendra qu’un nuage de poussière au milieu de notre carré. Pour voir des motifs apparaître, il faut restreindre notre choix.
De nouvelles règles émergent : plutôt que de choisir un sommet au hasard parmi les quatre sommets d’un carré, on peut s’empêcher de choisir le même deux fois de suite. Cette fois, le modèle limite ressemble à la figure suivante

Jeu du chaos restreint dans un carré
Avec ces mêmes règles, prenons un pentagone, puis un hexagone, et observons ces figures qui se dessinent et sortent de nulle part, sous nos yeux ébahis !
Et si plutôt que de prendre le milieu du segment, nous n’en prenions que le tiers à partir du point de départ ? Eh bien, là encore, nous avons droit à d’intéressantes figures qui ont l’air d’avoir une structure à la fois bien précise et pourtant infiniment complexes.
- Jeu du chaos dans un carré avec un coefficient 1/3
- Jeu du chaos dans un hexagone avec un coefficient 1/3
- Jeu du chaos dans un octogone avec un rapport 1/3
Ne vous fiez toutefois pas à l’aspect lisse qui semble se dégager : si l’on zoomait sur ces figures, vous verriez autant de détails que lorsque vous regardez la figure entière. C’est le principe de ces fractales que l’on appelle auto-similaires : le niveau de détail est indépendant de l’échelle à laquelle on considère notre figure.
En fait, si l’on y regarde mieux, les figures que l’on obtient ici ne sont que des réductions des précédentes, où les « parties » qui les composaient semblent maintenant se détacher pour former 4 paquets de 3 arcs pour le carré et 6 paquets de 5 arcs pour l’hexagone.
Si vous souhaitez essayer vos propres figures du chaos, vous pouvez vous rendre sur ce lien où vous pourrez trouver un programme pour laisser libre cours à votre âme d’artiste mathématique !
Pour finir en beauté
Tout ceci vous a mis l’eau à la bouche ? Sachez que j’ai gardé (à mon sens) le plus beau pour la fin.
Les polygones, les figures abstraites, tout ceci, c’est bien beau, mais ça ne parle qu’aux mathématiciens. Pourtant, les figures auto-similaires existent également dans la nature : pensez par exemple à un chou-fleur, composé de petites partis semblables au tout.
Avec le jeu du chaos et une certaine transformation plus complexe, il est d’ailleurs possible de reproduire un motif naturel ayant cette propriété d’auto-similiarité.
Alors, intrigués vous aussi ?
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